Luminaire des Points-Clefs relatifs au Bardo des Divinités Courroucées

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Le Luminaire des Points-Clefs relatifs au Bardo des Divinités Courroucées (Khro bo bar do gnad kyi sgron ma) ཁྲོ་བོ་བར་དོ་གནད་ཀྱི་སྒྲོན་མ།

Signification littérale

khro bo: divinités courroucées; —bar do: Bardo, état intermédiaire; —gnad: points-clefs; —kyi: marque du génitif; —sgron ma: Luminaire, Lampe.

Définition

Texte appartenant à la second partie du Khandro Nyingthik de Pema Ledrel Tsel, consacré aux points-clefs (gnad) du Bardo. Les instructions qu’il contient sont, comme celles du texte précédent,[1] destinées aux individus peu familiarisés avec la pratique formelle. Elles se concentrent essentiellement sur le Bardo de la Réalité (chos nyid bar do) et s'organisent en deux parties : 1. l'analyse générale des Bardos (bar do’i spyi bzhag), et 2. la pratique des Bardos.

L'analyse générale

[1]. L'analyse générale elle-même comporte quatre parties : 1. la classification (dbye ba), 2. les limites (sa mtshams),[2] 3. l’état véritable (gnas lugs) de ces Bardos, et 4. leur mode de manifestation (snang lugs).

[1-1]. La classification renvoie aux quatre Bardos, c'est-à-dire le Bardo du sanctuaire de naissance, le Bardo de la mort, le Bardo de la Réalité, et le Bardo du Devenir.

[1-2]. Quant à leurs limites, le Bardo du sanctuaire de naissance dure depuis l'entrée dans la matrice jusqu'à la manifestation de la maladie mortelle et des signes qui conduiront à la mort. Le Bardo de la mort dure de la dissolution des éléments jusqu'à l'interruption du souffle. Le Bardo de la Réalité dure depuis l'interruption du souffle jusqu'à la dissolution des visions de la Spontanéité (lhun grub kyi snang ba). Le Bardo du Devenir dure de la dissolution de ces visions jusqu'à l'entrée dans une nouvelle matrice.

[1-3]. Le Bardo du sanctuaire de naissance est une période au cours de laquelle on possède un corps fait d'éléments et durant laquelle on est lié par les passions, empêchant ainsi les visions de la Sagesse de se manifester naturellement. Le Bardo de la mort se caractérise par la maladie physique causée par la destruction des éléments et les souffrances mentales liées à la peur de la mort. Le Bardo de la Claire-Lumière se caractérise par l'expérience des visions de la Réalité, c'est-à-dire les manifestations concrètes des Corps (sku) et des Sagesses (ye shes) expérimentées dans un état de pure Concentration (bsam gtan). Le Bardo du Devenir se caractérise par la manifestation d'un corps mental et une capacité à se mouvoir partout sans obstacle.

[1-4]. Ce qui se déploie durant le Bardo du sanctuaire de naissance, ce sont les manifestations des êtres des six destinées (rigs drug). Ce qui se manifeste durant le Bardo de la mort, c'est la souffrance et la confusion. Ce qui apparaît durant le Bardo de la Réalité, ce sont les manifestations des sons, des lumières et des rayons, ainsi que les visions des Corps et des Sagesses. Ce qui se manifeste durant le Bardo du Devenir, ce sont les perceptions confuses de l'esprit.

La pratique des Bardos

[2]. La pratique des Bardos comporte quatre parties.

[2-1]. Au cours du Bardo du sanctuaire de naissance, les pratiquants doivent éradiquer tous leurs doutes concernant les enseignements, l'état naturel, etc. Ceux qui ont des capacités supérieures (rab) devraient le faire par l'écoute des enseignements, la réflexion sur leur sens, et la méditation sur leurs principes. S'ils parachèvent la Voie toute entière, ils atteindront indubitablement le Plein Eveil. Les pratiquants supérieurs parmi ceux de capacités supérieures (rab kyi rab) reçoivent les bénédictions de leur maître, pratiquent ses instructions et se libèrent finalement sans effort dans l'état du Buddha Primordial Samantabhadra. Les pratiquants intermédiaires parmi ceux de capacités supérieures (rab kyi ‘bring) s'engagent dans la pratique des instructions de leur maître et se libèrent naturellement dans l'expérience de la saveur unique des passions et de la Réalité. Les pratiquants inférieurs parmi ceux de capacités supérieures (rab kyi tha ma) reçoivent les instructions orales de leur maître, ainsi que ses cinq confrontations (ngo sprod rnam pa lnga) ; ils s'engagent dans des pratiques progressives et se libèrent finalement en reconnaissant que l'illusion n'est rien d'autre qu'une de leurs propres perceptions.

[2-2]. Les instructions sur le Bardo de la mort s'adressent aux pratiquants de capacités intermédiaires (‘bring), divisés en pratiquants supérieurs de capacités intermédiaires (‘bring gi rab), pratiquants intermédiaires de capacités intermédiaires (‘bring gi ‘bring), et pratiquants inférieurs de capacités intermédiaires (‘bring gi tha ma). Quand la mort survient, ceux qui appartiennent à la première catégorie se souviennent clairement des enseignements du maître et n'ont besoin de rien d'autre. Ceux de la deuxième catégorie s'appuient sur un maître ou un pratiquant qualifié pour recevoir des clarifications sur le Bardo de la Réalité. Ceux appartenant à la troisième catégorie reconnaissent ce Bardo en se concentrant clairement sur les enseignements de leur maître sans être distraits un seul instant.

[2-3]. Bien qu'elles soient directement liées aux visions de Thögel (pendant la vie), les instructions sur le Bardo de la Réalité s'adressent à ceux de capacités inférieures (tha ma). Les pratiquants supérieurs parmi ceux de capacités inférieures (tha ma’i rab) reconnaissent la dissolution du ciel dans la Claire-Lumière et se libèrent naturellement sur la Base primordialement pure de l’Esprit.

Les pratiquants intermédiaires parmi ceux de capacités inférieures (tha ma’i ‘bring) contemplent le déploiement du maṇḍala des Divinités Courroucées (khro bo) et, s'ils sont capables de reconnaître que ces formes divines ne sont que de simples manifestations du dynamisme de leur propre Discernement, ils parviendront instantanément à la libération, et ce, sans aucun obstacle.

Les pratiquants inférieurs parmi ceux de capacités inférieures (tha ma’i tha ma) contempleront également le maṇḍala des Divinités Courroucées avec trois points-clefs à prendre en compte (comme on l'a également vu dans le texte précédent)[3]: 1. le point-clef de la conscience pénétrant (les lumières) (‘jug pa shes pa’i gnad), 2. le point-clef du corps, lié à la libération (grol ba lus kyi gnad), et 3. le point-clef de la reconnaissance se manifestant au stade ultime (mthar phyin pa ngo shes pa’i gnad). Le premier concerne les phénomènes dits du Discernement entrant dans les lumières (rig pa ‘od la ‘jug pa) et des lumières entrant dans le Discernement (‘od rig pa la ‘jug pa) comme on a pu le voir dans Les Caractéristiques propres à la Voie du Bardo des Divinités Paisibles. Le deuxième point-clef traite de l'union des quatre Sagesses (ye shes bzhi sbyor), tandis que le troisième renvoie à l'éradication des doutes, menant à l'expérience d'une absorption (sa ma ti = samādhi) continue dans laquelle tout se manifeste, rayonne et se libère naturellement.

A ce stade, le défunt n'entrera plus dans une matrice. Son Discernement se dissout dans les Corps (sku), tandis que des orbes de lumières quinticolores apparaissent au centre du ciel. Le même processus caractérisant les Huit modes d’émergence (‘char lugs brgyad) se déploie, tel que déjà décrit dans le texte des Caractéristiques propres à la Voie du Bardo des Divinités Paisibles. Après cela, neuf presciences (mngon shes dgu) se manifestent, trois pour le Corps, trois pour le Verbe, et trois pour le Cœur. Elles sont suivies par les sept remémorations—ou littéralement “évocations résultantes” (rjes su dran pa bdun)—, puis par les Huit modes de dissolution (thim lugs brgyad).

Le texte mentionne ensuite une catégorie ultime de pratiquants définis comme “extrêmement inférieurs” (dbang po yang tha) et comme ne reconnaissant pas le Bardo de la Réalité : ils entrent dans le Bardo du Devenir mais sont capables de transférer leur conscience dans un champ pur et d'obtenir le Plein Eveil après cinq cents ans passés à étudier et méditer les enseignements.

[2-4]. Les instructions sur le Bardo du Devenir s'adressent aux trois catégories de ceux appartenant aux pratiquants extrêmement inférieurs (yang tha). Les pratiquants supérieurs parmi ceux de capacités extrêmement inférieures (yang tha’i rab) généreront de la dévotion pour leur maître, reconnaîtront toutes les perceptions comme étant des projections de leur esprit et entraveront par conséquent toute entrée dans une matrice. Ils verront les lumières et les sanctuaires correspondant aux six destinées, mais ne seront pas attirés par eux.

Les pratiquants intermédiaires parmi ceux de capacités extrêmement inférieures (yang tha’i ‘bring) inverseront le processus de renaissance par leur maîtrise de la Phase de Développement (bskyed rim), leur permettant d'appréhender les visions du Bardo comme des manifestations de leur Yidam.

Les pratiquants inférieurs parmi ceux de capacités extrêmement inférieures (yang tha’i tha ma) prendront Refuge dans les Trois Joyaux lorsque les visions du Bardo surgiront et, grâce aux bénédictions de ces Joyaux, ils devraient reprendre une naissance humaine avec toutes les conditions permettant la rencontre avec les enseignements, avec un maître qualifié, etc. S'ils ne parviennent pas à se souvenir des enseignements sur le Bardo, ils seront contraints par leur karma à renaître dans l'une des six destinées.

Le titre final du texte est donné comme : Le Luminaire des Points-Clefs du Bardo (Bar do gnad kyi sgron me). Le colophon indique (p. 174) que Padmasambhava le donna à Yeshe Tsogyel et que le texte a pour objectif de “sublimer” (smin pa) l’esprit des êtres à l’intelligence inférieure (blo dman).[4]

Notes

  1. A savoir Les Caractéristiques propres à la Voie du Bardo des Divinités Paisibles.
  2. C'est-à-dire la délimitation des Bardos eux-mêmes, incluant leur durée.
  3. C’est-à-dire le texte des Caractéristiques propres à la Voie du Bardo des Divinités Paisibles.
  4. Cette sublimation devrait leur permettre ensuite de se libérer (grol ba) s’ils s’engagent dans la pratique formelle.

Référence

mKha 'gro snying thig (sNying thig ya bzhi, Delhi, 1975) vol. 2, pp. 154-174.


Jean-Luc Achard 9 juillet 2025 à 10:31 (CEST)