Fragments Secrets des Instructions Orales, extraits de l'Exégèse Essentielle des Dakinis
Les Fragments Secrets des Instructions Orales, extraits de l’Exégèse Essentielle des Ḍākinīs (mKha’ ‘gro snying gi ti ka las : zhal gdams gsang ba’i dum bu) མཁའ་འགྲོ་སྙིང་གི་ཏི་ཀ་ལས༔ ཞལ་གདམས་གསང་བའི་དུམ་བུ༔
Signification littérale
— “mkha’ ‘gro: Ḍākinīs ; —snying gi: essentielle ; —ti ka : exégèse, commentaire ; —las: extraits de ; —zhal gdams: instructions orales; —gsang ba’i : secrets ; —dum bu: fragments.
Définition
Ce texte appartient à la seconde partie du Khandro Nyingthik de Pema Ledrel Tsel et est divisé en trois parties :
- la clarification concernant la Base primordiale (thog ma'i gzhi),
- la clarification concernant l'état naturel (gnas lugs), et
- la clarification concernant la pratique (nyams len).
[1]. La première partie est elle-même divisée en deux sections :
- la Base Générique (spyi gzhi), et
- la Base de l'égarement (‘khrul gzhi).
Le premier aspect fait référence à la Base (gzhi) avant la séparation entre le Saṃsāra et le Nirvāṇa. Selon une citation du Tantra des Lampes Flamboyantes (sGron ma 'bar ba’i rgyud), cet aspect correspond à l'état défini comme la “Grande Pureté Primordiale originelle” (thog ma'i ka dag chen po). Cet état n'a pas été créé par qui que ce soit mais rayonne naturellement de lui-même. Il ne chute pas dans des extrêmes tels que le Saṃsāra et le Nirvāṇa, mais s’exprime comme la Vacuité-Clarté vierge de toute partialité. Dans cette perspective, son Essence est vide ; sa Nature, lumineuse ; et sa Compassion, incessante. Dans Le Tantra de l'Union du Soleil et de la Lune (Nyi zla kha sbyor), ces trois modalités constituent ce que l'on désigne comme les trois Sagesses qui demeurent sur la Base (gzhi gnas kyi ye shes gsum).
Cette Base n'est pas établie en fonction de notions dualistes telles que l’égarement (‘khrul) et l'absence d’égarement (ma 'khrul) : elle est appelée Sagesse Née-d'elle-même (rang byung gi ye shes) et s'avère, par définition, primordialement pure d’égarement et de limitations dualistes. Cet état de pure sapience, libre de toute forme d’“ignorance” correspond à la Réalité inconditionnée, s’exprimant comme une Sagesse spontanée, exempte de fluctuation. Il est conçu comme vide, lumineux, discernant (rig) et totalement immuable (c'est-à-dire qu'il ne se transforme pas en quelque chose qui serait autre que la Vacuité-Clarté).
L'égarement se produit lorsque l'individu ne reconnaît pas les manifestations de son état naturel comme formant son propre dynamisme (rtsal). Cet égarement s’apparente alors à un rêve (rmi lam) ou à une illusion (sgyu ma). Le Tantra qui Transperce les Sons (sGra thal 'gyur) décrit ce processus comme suit :
- Ne pas reconnaître ce qu’est notre propre Essence,
- C'est là le début du Saṃsāra.[1]
En raison de la non-reconnaissance de la nature des cinq lumières issues du dynamisme de la Base, les éléments ont été progressivement produits, tandis que les calices extérieurs ont évolué à partir d'eux. De même, des cinq lumières associées aux éléments sont nées les différentes sortes d'êtres animés. Ainsi :
- — de la lumière jaune naquirent les dieux,
- — de la lumière verte, les demi-dieux,
- — de la lumière rouge, les êtres humains,
- — de la lumière noire, les animaux, et
- — de la lumière blanche, les damnés des enfers ;
- — tandis que d'une sixième lumière, ayant la couleur de la fumée, sont nés les fantômes faméliques.
[2]. L'explication de l'état naturel donnée dans ce texte s'articule autour de : 1. la formation progressive du corps humain, considéré comme le meilleur support (rten) pour atteindre le Plein Eveil (sangs rgyas), et 2. le mode d’être de la Sagesse du Discernement (rig pa ye shes). La première partie contient une description de la formation du corps, expliquant en détail les différents stades de développement de l'embryon, ainsi que le système complexe de l'anatomie visionnaire, avec ses canaux (rtsa), ses souffles (rlung), etc.
La deuxième partie qui traite de la Sagesse du Discernement est elle-même divisée en deux sections : 1. l'explication décrivant le corps comme le champ pur des Vainqueurs (rgyal ba'i zhing khams), et 2. l'explication du Discernement proprement dit. En résumé, le corps est constitué d'agrégats, d'éléments, etc. Extérieurement, le complexe corps-esprit est constitué des cinq agrégats ; intérieurement, ceux-ci sont associés, au niveau saṃsārique, aux cinq passions. Secrètement, ce sont les Cinq Corps (Vairocana, etc.) ; et au niveau secrétissime, ce sont les Cinq Sagesses. Pareillement, ces modalités quintuples correspondent extérieurement aux cinq éléments. Intérieurement, ce sont les cinq Grandes Mères (ou Epouses des cinq Buddhas). Secrètement, ce sont les cinq Ḍākinīs, et au niveau secrétissime, ce sont les cinq Connaissances Sublimées (shes rab lnga). Au sein du corps, ces modalités sont associées extérieurement aux cinq roues (tête, gorge, cœur, nombril et lieu secret). Intérieurement, elles correspondent aux cinq Thiglés qui résident dans ces roues. Au niveau secret, elles se manifestent comme les cinq syllabes (Ma et Hrīḥ comptant pour un, puis Ha, Ri, Ni et Sa), et au niveau secrétissime, elles représentent les cinq catégories de Ḍākinīs situées dans les cinq roues. Le corps s’exprime ainsi comme le maṇḍala des Vainqueurs, la parole résonne comme un mantra, et les passions émergent comme les manifestations de la Sagesse elle-même.
Quant à la Sagesse du Discernement, elle s’exprime selon le mode des Buddhas paisibles dans le cœur et des Courroucés dans la Demeure de Nacre. Dans les cinq roues, elle se manifeste comme les cinq Ḍākinīs en union avec leur homologue masculin. Dans les trois canaux principaux, elle s’exprime sous la forme des Trois Corps (sku gsum), tandis que, dans les autres canaux, elle se manifeste sous la forme d’innombrables autres Ḍākinīs en union. Dans sa condition originelle, cette Sagesse demeure comme une lumière qui se déplace dans un canal semblable à un fil de soie blanche (rtsa dar dkar gyi skud pa lta bu) passant à travers les cinq Roues. Dans le crâne, ce canal se divise en cinq pointes s'ouvrant sur les cinq portes des sens.
Elle s’exprime également sous la forme des Quatre Lampes (sgron ma bzhi), à savoir : 1. la Lampe d'Eau du Lointain-Lasso (rgyang zhags chu'i sgron ma), 2. la Lampe des Disques Vides (thig le stong pa'i sgron ma), 3. la Lampe de la Connaissance Sublimée Née-d'elle-même (shes rab rang byung gi sgron ma), et 4. la Lampe de l'Espace purissime (dag pa dbyings kyi sgron ma = dbyings rnam par dag pa'i sgron ma). Des instructions complémentaires sont données concernant d'autres points-clefs de la pratique du Franchissement du Pic (thod rgal), sur la base de citations du Tantra de l'Emergence Naturelle du Discernement (Rig pa rang shar), du Dra Thelgyur (sGra thal 'gyur) et du Longsel (Klong gsal).
La troisième partie du texte concerne :
- la pratique naturelle (rang bzhin gyi nyams len),
- la pratique essentielle (gnad kyi nyams len), et
- la pratique de visualisation (dmigs pa'i nyams len).
La première traite de l'anatomie interne des canaux, des souffles et des essences séminales, ainsi que de la visualisation des cinq Ḍākinīs dans le corps. La deuxième n'est pas décrite dans le texte qui invite simplement le lecteur à “voir ailleurs” (gzhan du shes), ce qui, dans le cas présent, renvoie essentiellement au texte de La Quintessence des Joyaux. Le troisième traite de l'apparition potentielle de maladies dues à des désordres dans l'équilibre des éléments (‘byung ba).
La composition originale de ce texte est attribuée à Padmasambhava. Selon le colophon, l’ouvrage aurait été découvert par le suprême Corps d'Apparition (sprul pa'i sku mchog) Rongben Tsültrim Dorje (c'est-à-dire Pema Ledrel Tsel, à ne pas confondre avec Rongben Rinchen Tsültrim)[2] sur le sanctuaire de trésor (gter gnas) connu sous le nom de Danglung Danglha Tramo (Dang lung ldang lha khra mo).
Notes
- ↑ rang ngo yin par ma shes pas : 'di yang 'khor ba'i thog ma'o.
- ↑ Le découvreur de L’Index (Kha byang) du Khandro Nyingthik .
Référence
—mKha ‘gro snying thig (sNying thig ya bzhi, Delhi, 1975), vol. 2, pp. 34-70.
Jean-Luc Achard 4 novembre 2024 à 14:32 (CET)