Corps du Vase de Jouvence
Corps du Vase de Jouvence (gzhon nu bum sku) གཞོན་ནུ་བུམ་སྐུ།
Sommaire
Signification littérale
— gzhon nu: jeune, jeunesse, jouvence; — bum: vase ; — sku: Corps (h).
Définition
Le Corps du Vase de Jouvence est l'expression de l’état naturel avant l’émergence des manifestations de la Base. Cet état s’exprime dans l’union des Corps et des Sagesses.[1] Son Essence est pure depuis l’origine, en sorte qu’il s’avère totalement immatériel. Il est néanmoins animé d’un éclat primordial qui forme la lumière naturelle du Discernement, s’élevant sans entrave comme la base d’émergence potentielle de toutes les manifestations de sa Nature.
Explication abrégée
Le Corps du Vase de Jouvence est une aspect de l’état naturel antérieur à l’émergence des manifestations de la Base (gzhi snang). A ce stade, l’état naturel s’infuse sa propre luminosité intrieure sans que celle-ci ne se disperse à l’extérieur (car il n’y a alors pas encore d’Espace extérieur pour en accueillir le déploiement). Cet état est défini comme un Corps (sku) parce qu’il correspond à la dimension ultime de la Réalité et est l‘équivalent du dharmakāya ou Corps Absolu. Il est présenté comme un Vase (bum) dans le sens où sa luminosité naturelle est comme une lampe à beurre déposée au fond d’un calice ou vase scellé (en sorte que sa luminosité ne se disperse pas vers l'extérieur). Enfin, Il est associé à la notion de Jouvence (gzhon nu) parce qu’il ne connaît pas la “vieillesse des passions” lesquelles opèrent au niveau temporel.
Explication détaillée
Le Corps du Vase de Jouvence est l’état primordial préexistant au déploiement de l'Epiphanie de la Base (gzhi snang). La notion de Corps (sku) renvoie à celle de l'état virginal en lequel l'esprit demeure avant cette Epiphanie ; le Vase (bum pa) est comme le Calice qui en recueille la quintessence rédemptrice ; et la Jouvence (gzhon nu) s’explique par la jeunesse atemporelle de cet état qui ne “vieillit” jamais car il ne connaît pas la souillure temporelle de l’égarement et de ses manifestations erronées.
Dans son Union Equanime des Eveillés selon le Yangti (Yang ti sangs rgyas mnyam sbyor, fol. 7b),[2] Guru Chöwang (Gu ru chos dbang, 1212–1270) précise que cet état participe de la Jouvence atemporelle de l’Eveil dans le sens où il ne connaît pas la vieillesse, c’est-à-dire le changement accompagné de dégradation et de décrépitude.
Pour Jigme Lingpa (‘Jigs med gling pa, 1729–1790) et son Char de la Parfaite Sapience (rNam mkhyen shing rta, vol. III, p. 38), le Corps du Vase de Jouvence exprime l’indifférenciation de la Pureté Primordiale (ka dag) de l’état naturel et de sa Spontanéité (lhun grub). Cette union est décrite comme formant la Clarté intérieure (nang gsal) de l’esprit, Clarté qui se diffuse intérieurement dans l’Espace (dbyings) visionnaire dont le sceau (rgya) n’est pas encore brisé par le souffle subtil (phra ba’i rlung) qui s'active spontanément au sein de l'esprit. Lorsque ce sceau est brisé, la Jouvence de cet état ne change pas en essence, mais sa lumière intérieure se manifeste alors en une Clarté extérieure grossière (phyir gsal rags pa) qui se concrétise progressivement jusqu’à s’exprimer en manifestations erronées (khrul pa'i snang ba).[3]
On retrouve la même idée chez Longchenpa, dans Le Miroir des Points-Clefs du Sens Profond des Grands Enseignements Complémentaires de la Transmission Orale (sNyan brgyud kyi rgyab chos chen mo zab don gnad kyi me long) de La Quintessence Profonde (Zab mo yang tig, II, p. 217-218).
Voir également sous Etat naturel du Corps du Vase de Jouvence.
Notes
- ↑ Dans le Dzogchen, les Corps (sku) et les Sagesses (ye shes) sont conçus comme formant l'expression même de l'état naturel. Ces deux modalités correspondent respectivement aux aspects de Vide (stong cha) et de Clarté (gsal cha).
- ↑ Ce texte est le tantra-racine du Yangti et est également connu sous le titre de Clarté du Principe Vierge d'Elaboration (sPros bras don gsal).
- ↑ Ces manifestations (qui sont celles des sons, des lumières, et des rayons) ne sont pas erronées en elles-mêmes: elles le deviennent uniquement en raison de l'ignorance (ma rig pa), lorsque l'esprit ne reconnaît pas leur nature.
Jean-Luc Achard 4 décembre 2018 à 09:57 (CET)