Cœur des Bienheureux

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Cœur des Bienheureux (bde gshegs snying po)  བདེ་གཤེགས་སྙིང་པོ།

Signification littérale

bde gshegs: Bienheureux, sugata; —snying po: cœur, quintessence, garbha.

Définition

Le Cœur des Bienheureux (sugatagarbha) représente le potentiel d’Eveil demeurant au centre de la Tente Brune des Cornalines (mchong gur smug po). Il représente la Base (gzhi) de l’état naturel animé d’une Spontanéité (lhun grub) adornée par la Sagesse (ye shes) elle-même. Il demeure ainsi en tous les êtres animés, sans aucune fluctuation.

Explication complémentaire

Dans son Trésor du Véhicule Suprême (Theg mchog mdzod), Longchenpa explique que ce Cœur des Bienheureux correspond au tathāgatagarbha (de bzhin gshegs pa'i snying po) tel qu’il est défini dans les “enseignements ordinaires” (thun mong gi lung), c’est-à-dire les Sūtras.[1] Dans l’Uttaratantraśastra (rGyud bla ma), il correspond au “Corps du Plein Eveil Parfait” (rdzogs sangs sku).

Dans le Dzogchen, on le décrit en fonction d’un exemple illustratif (dpe), d’un principe ou sens (don), et d’un signe (rtags). Ainsi:

— l’exemple qui sert à l’illustrer est celle d’un Corps (sku) lumineux mais non matériel qui demeure au centre du cœur ;
— le principe que cet exemple illustre est celui de l’Eveil demeurant dans le cœur, c’est-à-dire temporairement recouvert par les “denses nuées corporelles” (lus kyi sprin rum),[2] autrement dit la matérialité du corps constitué des quatre éléments ; et
— le signe qui en prouve la présence dans le cœur est sa manifestation[3] sous la forme de la Lampe des Disques Vides (thig le stong pa’i sgron ma).

Exprimé en fonction d’un Corps (sku), d’un Verbe (gsung), et d’un Cœur (thugs), ce potentiel d’Eveil est obscurci :

  1. par la matérialité du corps physique (lus) ;
  2. par la parole (ngag) conditionnée par les limitations du langage; et
  3. par les pensées dualistes de l’esprit (sems).

Chez les adeptes zélés qui manifestent la capacité de méditer jusqu’à l’atteinte du paroxysme des Quatre Visions (snang ba bzhi), ce potentiel se manifeste tout au long de la Voie, avec le déploiement des visions du Franchissement du Pic. Pour ceux qui ont des capacités moindres, ce même potentiel se manifestera sous la formes de visions naturelles (rang snang)[4] apparaissant au cours du Bardo.

Notes

  1. L’expression de bzhin gshegs pa’i snying po se retrouve toutefois également dans les textes de la Grande Perfection, à commencer par le corpus des Dix-Sept Tantras (rGyud bcu bdun), comme par exemple dans le Tantra du Miroir du cœur de Vajrasattva (rDo rje sems dpa’ snying gi me long gi rgyud).
  2. I.e., la matérialité grossière.
  3. Lors de la pratique du Franchissement du Pic (thod rgal).
  4. C’est-à-dire les visions spécifiques à celui qui les contemple. Il est important de comprendre que ces visions n'existent pas par elles-mêmes, comme si elles avaient une autre source que l'individu: elles forment ses propres perceptions.

Jean-Luc Achard 26 mars 2023 à 08:49 (CEST)