Contemplation
Contemplation (dgongs pa)
Signification littérale
Le terme original dgongs pa est l’honorifique de bsam pa qui signifie “pensée, penser, cogiter, réfléchir, songer,” etc. En tant qu’honorifique, il porte le sens du terme non honorifique à un niveau sublimé que l’on n’emploie que pour les Buddhas, les maîtres, etc. Donc, lorsqu’il est question d’une réflexion cultivée par un maître, on parle de dgongs pa, pas de bsam pa qui est l’activité similaire considérée au niveau des êtres ordinaires.
Définition
La Contemplation (dgongs pa) est l’état dans lequel l’Esprit des Buddhas se trouve continuellement, parfaitement établi dans la saveur de l’union indifférenciée des Corps et des Sagesses. Cet état est celui en lequel ces mêmes Buddhas “contemplent” (dgongs pa) les splendeurs visionnaires de leur Claire-Lumière (‘od gsal). Cette Claire-Lumière est ab aeterno immaculée et prégnante des caractéristiques des cinq Sagesses dont la connaissance transcende les facultés analytiques du mental ordinaire et s’anime au contraire de la “contemplation” des Corps et des Sagesses. Dans le Tantra de l’Emergence Naturelle du Discernement (Rig pa rang shar), cette Contemplation est directement mise en parallèle avec celle des visions de l’état naturel qui s’élèvent au cours de la pratique du Franchissement du Pic (thod rgal). On en retrouve le détail dans la pratique dite de la Contemplation des Bienheureux (bde gshegs dgongs pa). L'état de la “Contemplation” est donc celui en lequel on se trouve lorsque l'on demeure dans l'état naturel, alors que l'on est dans celui de la pensée ordinaire lorsque l'on ne demeure pas dans la reconnaissance de ce même état.
Remarque
Chez certains traducteurs, le terme a pris le sens d’intention et d’intentionalité. Ce sont deux choix erronés. Le premier représente un déplacement de sens, car dans le fait de songer ou de penser (dans le sens le plus large s’appliquant à bsam pa et à dgongs pa), il n’y a pas forcément de calcul, de visée quelconque, d’intention sous une forme ou sous une autre. D’ailleurs, le terme intention est rtsis gdab pa (ou rtsis ‘debs pa) en tibétain, et ne couvre pas du tout le même champ sémantique que celui de bsam pa et de dgongs pa. Le second choix — l’intentionalité — est totalement hors-sujet parce que le concept est inconnu de la philosophie bouddhique en générale et de celle du Dzogchen en particulier. Chez les classiques, l’intention (et non l’intentionalité comme on le croit souvent) cultive une polysémie qui rend le terme foncièrement instable en matière de sens (variant d’un auteur à l’autre). D’Aquin en fait un objet de l’intellect, et c’est de là que Brentano en fera une forme d’analyse permettant de distinguer deux types de faits (psychiques et physiques). On est loin, très loin de la pensée Dzogchen en ce domaine et ce n’est pas avec Husserl que l’on s’en rapprochera. Le responsable de cette trans-lation radicale et malvenue n’est autre que H.V. Guenther qui n’a pas hésité à traumatiser le lexique du Dzogchen en lui faisant prendre des sens que ce même lexique ignore totalement. Par exemple, traduire Longchenpa en se référant à Husserl et à la phénoménologie, comme le fait Guenther, est d’une maladresse sans nom qui dénature totalement le sens des textes originaux. En théorie de la traduction, tous ces glissements de sens confinent purement et simplement à des erreurs de traductions qui altèrent la pensée imprégnant les textes en langue originale.
Jean-Luc Achard (discussion) 6 juin 2017 à 16:21 (CEST)